La semaine dernière, je suis allé visiter la communauté de La Libertad avec le padre Juan. Celle-ci se situe dans la montagne, dans une vallée enclavée, coupée du monde. Un havre de paix, un coin de paradis ! Les caféiers, les bananiers et autres plantes montrent une palette de verts infinie... une petite rivière qui sillonne la vallée, les montagnes, des maisons forment un spectacle enchanteur...
Pour y arriver, il faut monter 2 heures en 4*4 sur une route de pierres, puis marcher 1h. Là bas les gens vivent de la culture du café et des haricots rouges qu'ils descendent à dos de mules dans la vallée pour les vendre. Ils se sont groupés en coopérative pour pouvoir améliorer le séchage du café : ils ont acheté un terrain ensoleillé dans la vallée, et fait un sol en ciment pour améliorer la qualité de leur café.
En montant avec quelques uns, nous discutons avec eux. Voilà les différents éléments de cette conversation :
La fondation Pico Bonito est responsable de la gestion du parc national de Pico Bonito. C'est le massif qui se situe entre La Ceiba et Olanchito. Cette fondation a aménagé un parc naturel près de La Ceiba, ainsi que diverses installations touristiques. Il est donc possible de profiter de la forêt tropicale, de la faune et de la flore de ce massif, mais aussi de faire du rafting. Cette partie ce situe sur le côté nord du massif.
Actuellement La Fondation Pico Bonito est en train de racheter aux paysans tous les terrains autour de la communauté de la Libertad, qui est au sud du massif. Son projet est de replanter des arbres pour capter le CO2. Et donc petit à petit, elle étend son périmètre.
Pour le paysan qui vend sa terre c’est une grosse somme. En effet , un terrain vaut environ entre 200 000 et 300 000 Lempiras, un peu près 10 000€. Cette somme représente des années de travail, et c’est de l’argent facile. Avec cette argent, une famille peut acheter une petite maison à Olanchito. Mais ensuite sans terre et donc sans travail, comment le paysan peut-il nourrir sa famille? Sa seule compétente il la tient de la connaissance de la terre. Sera-t-il obligé de revenir travailler dans cette vallée comme salarié de la fondation?
Et puis si au début il refuse de la vendre, son voisin va-t-il résister aux sirènes des dollars? Et son voisin de l'autre côté? Et une fois seul, enclavée par la Fondation que va-t-il faire?
De plus on peut s'interroger sur les motivations de cette fondation.Il s'agit d'un regroupement d'un rassemblement d'entrepreneurs honduriens. L'objectif officiel est de replanter des arbres pour protéger l'atmosphère. Mais actuellement elle cultive des pommes de terre, du café et parait-il des arbres pour en extraire du bois précieux. Pourquoi? J'ignorais que les plants de café ou l’acajou sont meilleurs pour transformer le C02 en 02. Je file revoir mes cours de bio... Pourquoi mener une telle politique expansionniste? les réels objectifs de cette fondation sont-ils financiers ou écologiques?
Les gens de la Libertad appellent la Fondation : l'empresa qui en Français signifie entreprise. Et puis il ya ce projet de construire une route dans cette vallée pour rejoindre la Ceiba. En une heure, un camion pourrait être à la Ceiba : un marché important (3ième ville du Honduras) mais aussi une ouverture sur la mer et donc sur les marchés américains et occidentaux.
Aujourd'hui, la fondation apporte du travail et de l'argent à un certain nombre de personnes dans cette vallée. Elle paie 135L/6€ par jour pour planter et faire des clôtures.
D'un point de vue libéral, on peut se dire que le développement de cette fondation va apporter des emplois, d'un point de vue écologique, elle restaure un écosystème, d'un point de vue humain ??? Que va-t-il se passer?
Je reste perplexe : Est-ce inéluctable? Le capital sera-t-il toujours plus fort que l'humain? Comment concilier un développement qui concilie environnement, humain et apport de richesse?
Il y a eu un précédent dans la vallée d'Olanchito. La Standard Fruit Company, une entreprise américaine, a racheté au début du XX siècle tous les lopins de terre des paysans de la vallée pour en faire une énorme plantation de bananes. Cette expansion a conduit à développer des emplois, des infrastructures dans cette vallée, mais aussi une précarisation de l’emploi. En effet, les propriétaires après avoir dépensé tous leurs pécules de la vente de leurs terres se sont retrouvés “sans-le-sou” et obligés de travailler pour la Standard. En 2009, l’exploitation de la banane perdure dans la vallée de l’Aguan, mais avec la crise, la Standard n'embauche que des personnes en contrat à durée temporaire. Va-t-on reproduire ce même schéma pour la vallée de La Libertad?
1 commentaire:
Salut Xavier,
c'est très intéressant ce que tu racontes, je travaille sur une thèse dont le sujet est justement de coordonner Respect de la Nature, Respect des impératifs sociaux et création de valeur. Je bosse sur ce projet depuis un an et je me suis concentrée sur la matière première Bois. Alors évidemment tout ce qui est bois précieux ou en voie de disparition m'intéresse. Nous avons découvert que beaucoup des bois que nous importons en Europe proviennent d'Amérique du Sud ou Centrale et n'ont pas de certificat d'origine (aucune traçabilité, aucun moyen de vérifier si les populations sur place ne sont pas exploitées...). Bref je comprends toutes les questions que tu poses et ce sont les mêmes que je pose dans ma thèse.
Je l'écris pour le Groupe Saint Gobain en partenariat avec l'université de Nice.
Si tu veux je pourrais te donner des infos si le sujet t'intéresse. Peut être pourras-tu aider ces populations.
Bonne continuation!
Lucile Kotler
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