dimanche 2 août 2009

Grandir en Honduras par Maÿlis

Ca fait maintenant 8 mois que nous sommes au Honduras, et 6 mois que je travaille au collège de l’Immaculée Conception. Je prends vraiment conscience de la chance que j’ai d’avoir mes parents auprès de moi et d’avoir grandie entourée d’amour.

En effet, au collège, bien que la majorité des élèves viennent de famille aisée, de nombreux enfants n’ont pas la chance d’avoir leurs deux parents : séparés, parce que l’un d’entre eux est décédé ou parce qu’un des deux voire les deux sont exilés aux Etats-Unis et moins souvent, en Espagne, en quête d’une vie meilleure ou du moins d’un travail mieux payé qu’au Honduras.

Chaque fois que je veux faire venir un père de famille, je dois prendre des pincettes afin de savoir avec qui vit l’élève : sa mère, son père, sa grand-mère, son grand-père, sa tante, sa grande sœur? A chacun son histoire, mais certaine fois c’est à fendre le cœur. Lorsqu’une gamine de 11 ans, vient vous voir en vous demandant : “Maÿlis, vous connaissez l’Espagne ?” Moi de répondre : “Oui, mais seulement Barcelone”, “Et c’est comment Barcelone parce que ma maman vit là-bas?”, “Ah bon et vous vivez avec qui ?”, “Avec mon père et mes grand-parents”.                      Ou encore, Paola qui a 13 ans, qui a de problème de discipline au collège, ses 2 parents sont partis vivre avec ses 3 frères aux Etats-Unis et elle est restée vivre à Olanchito avec son grand-père. Comment peut-elle avoir confiance en elle sachant que ses parents et ses frères sont allés vivre aux Etats-Unis et pas elle ? Je comprends pourquoi elle a tant besoin qu’on s’intéresse à elle, en ne faisant rien en cours, attirant ainsi l’attention de ses professeurs et des conseillères pédagogiques.

Je dois avoir un cœur d’artichaut car voir ces deux jeunes filles, qui vont devoir grandir sans la présence quotidienne d’un de leurs parents ou des deux, et bien moi ça me met en boule ! Et dire que ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres !

L’émigration vers les Etats-Unis est un phénomène qui touche de nombreuses familles, à tel point que l’envoi d’argent par les familles vivant aux Etats-Unis ou dans un autre pays représente 60% des ressources du Honduras, devant le tourisme et les exportations de bananes, café…                                                                              La majorité des personnes possédant un ou des énormes véhicules 4x4 à Olanchito, sont des personnes dont un membre de la famille est émigré au Etats-Unis.

En passant sur la côte caraïbes dans le village garifuna de Triunfo de la Cruz, nous avons appris qu’au moins une ou deux personnes par famille de ce village sont parties vivre au Etats-Unis. Ainsi certains habitants de ce village n’ont plus besoin de travailler et attendent seulement de recevoir l’argent de leur famille émigrée. Même si les émigrés ont un travail là bas qui leur rapporte peu d’argent, ils gagnent toujours plus qu’ici vue les différences de niveaux de vie, de richesses entre les pays. Mais à quel prix ? Pratiquement tous, partent comme “mujados” (les mouillés), clandestins, pour un long voyage à la merci des passeurs, mafias… pour vivre une vie de clandestins aux Etats-Unis, éloignés de leur famille.

Je me pose pas mal de questions : comment vont grandir ces enfants sans la présence d’un ou de leurs parents? Voudront-ils à leur tour s’exiler en quête d’une vie meilleure? Quel est le mieux : laisser son enfant derrière soit et lui envoyer de l’argent pour qu’il puisse mieux vivre ou rester près de lui et avoir du mal à lui apporter le strict nécessaire?

Je n’ai pas de réponse à ses questions, je peux seulement essayer d’accompagner ses enfants dans leur éducation, au moins au niveau scolaire, et essayer de les aider à se structurer. Par ailleurs, j’espère que l’amour qu’ils reçoivent par les personnes avec qui ils vivent sera suffisant pour leur donner confiance en eux et leur permettre de grandir normalement ici au Honduras.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Malheureusement,ces situations se retrouvent dans bien d'autres pays.Bravo en tous cas pour tout le mal que vous vous donnez.Le retour à notre "culture" sera difficile!bises.Hervé et Mireille

Anonyme a dit…

Merci Maylis pour ce témoignage. Ce sont des aspects de la vie hondurienne dont on parle si peu et qui ont tellement d'importance pour l'avenir de ces futures génération. Sylvie